COMMUNICATION
RIC II
LES
STRATÉGIES DE L'INTELLIGENCE
Le
rationnel n'est que la logique du relationnel.
« Toute connaissance
est une réponse à une
question »
Gaston Bachelard
1
- L'intelligence cognitive
A
- L'intellection
B
- La cognition
2
- La cognition rationnelle artisanale
A
- L'espace conceptuel
B
- La stratégie de reconnaissance intellective
C
- Le raisonnement et l'analyse intellective
D
- La vérité rationnelle
E
- La pensée rationnelle
F
– L'axiomatisation
3
- Les facultés de maîtrise et d'orientation intellectives
A
- L'attention
B
- La conscience intentionnelle et la volition
C
- L'inventivité
D
- Le pseudo-rationnel onirique (dit irrationnel)
4
- L'apprentissage cognitif culturel
5
- Les seuils du savoir intellectif
Liens
et voies de recherche pour aller plus loin
(Les figures mentionnées dans le texte n'apparaîtront, pour des raisons techniques, que dans les versions en PDF téléchargeables. Veuillez vous y référer.)
Toute
rencontre est une expérience apportant une connaissance partielle
qui enrichit le patrimoine cognitif. Tout est sujet de réflexion. Et
toutes les connaissances diversifiées ainsi réunies s'organisent en
systèmes de compréhension, de règles de décision et
d'organisation en vue d'une application définie puis de programmes
d'action. Systèmes sans cesse renouvelés par l'apport de données
de plus en plus significatives. La connaissance ou prise de
consciente totalisante unitive, saisie affective partielle ou
intégrale du réel, exerce sa puissance sur tout notre vécu. Elle
fonde la liberté.
L'intelligence
cognitive est au cœur de chaque existant. Elle est uniquement
instinctuelle chez les animaux, mais instinctuelle
(sub-conscientielle), culturelle et sur-conscientielle chez les
humains. L'une, liée à la subconscience génétique, est concrète,
limitée à la perception de l'instant, rivée au champ perceptif
immédiat et à la réaction métabolique la plus appropriée. C'est
l'approche instantanée de toutes les relations psychosomatiques et
des ressources environnementales en vue de trouver la solution la
plus appropriée pour résoudre un problème. Cette intelligence
sensorimotrice pratique est déterminée par les aptitudes génétiques
(les prédispositions naturelles) et par les habituations acquises au
cours de toute l'expérience de vie.
L'autre,
l'intelligence ou la démarche cognitive culturelle, s'acquiert par
l'apprentissage. Elle est la saisie rationnelle des relations entre
les différents phénomènes de la réalité objectale qui nous
pétrit, perçue à travers l'expérience des organes sensoriels.
Elle est variante, éphémère.
La
troisième, enfin, l'intelligence sur-conscientielle est la saisie
intégrante de toute la réalité vécue, dans toutes ses dimensions
chrono-spatiales. Elle expérimente le fait que nous sommes le temps,
l'espace, partie intégrante de toute la réalité. Le champ de
l'intelligence cognitive qui porte sur la réalité objectale est
limité au champ du savoir expérimental rationnel. Tandis que le
champ qui porte sur toute la réalité vécue est quasiment illimité.
La
cognition est la tension interrogative qui sous-tend l'être, la
démarche qui porte l'individu à s'éveiller à la réalité autour
de lui-même et à la réalité en lui-même. L'univers est en soi et
en dehors de soi. (Et à la limite, il n'y a plus d'en-dehors et d'en
dedans...)
Le
monde objectal extérieur à soi est identique pour l'aveugle, le
sourd, ou pour tout autre biotype prisonnier de ses limitations.
Seule diffère la compréhension. Le musicien n'écoute que
l'harmonie des sons, l'artiste peintre ne voit que les couleurs, le
danseur que les mouvements... Cette compréhension rationnelle
intellective qu'on a du monde est sujette à variations. La
connaissance de la matière dépend des vibrations perçues, de notre
degré d'attention, de la qualité perceptive des organes récepteurs,
de leur fidélité, de notre interprétation et de notre appréciation
suivant nos états affectifs du moment et l'expérience culturelle
acquise. Nos affirmations ou négations n'affectent en rien
l'existence autonome d'un objet. Nos interprétations (quelle que
soit la sincérité individuelle) peut être source de malentendus et
de conflits.
La
stratégie de l'analyse intellective est centrifuge. Tandis que la
synthèse vécue est centripète (con-centrée). Plus on s'éloigne
du centre, mieux on observe les liens d'associations évidents. Plus
on s'en rapproche, mieux on saisit la structure globale. Ces deux
formes de prise de conscience se complètent. Leur contradiction
n'est qu'apparente. La résolution de la tension interrogative ne se
suffit pas de l'intelligence discursive. Elle a besoin de la
certitude expérimentale du vécu.
II - 02 - LA COGNITION
RATIONNELLE ARTISANALE
L'intelligence
cognitive est le processus dynamique de recherche, de saisie et
d'appréciation de relations par la manipulation des données
consignées dans la mémoire, utilisant et confrontant le plus
d'informations disponibles. Le rationnel n'est que la logique du
relationnel.
L'intelligence
cognitive est représentative. L'espace conceptuel d'intelligence est
fait de relations iconales. Ce qui implique la coordination des
schèmes de reconnaissance de relations iconales et de
correspondances nouvelles, c'est-à-dire de toutes les opérations
perceptuelles et constructionnelles inter-reliées à tous les
systèmes organismiques par un processus d'accommodation constant
entre les structures neuronales innées et les structures acquises.
L'intelligence coordonne et structure la réalité vécue en
ordonnant les perspectives informationnelles, évaluant leur valeur
et leur portée.
Elle
implique aussi, par le fait même, un dédoublement conscientiel, loi
de distanciation vis à vis de tout phénomène extérieur. C'est
l'état de conscience de soi (s'auto-percevoir) qui distingue la
réalité objectale extérieure à soi de la réalité vécue. On se
regarde à travers tous les sens comme témoin du monde. Cette
conscience de soi devient, avec la maturité, la conscience de ses
besoins et de ses désirs, ainsi que de ses limitations ; c'est ce
qui porte l'individu à agir sur la réalité objectale. Cette
reconnaissance différentielle prouve que les lois de la vie mentale
sont les conditions même de la conscience rationnelle, culturelle.
L'acte
de reconnaissance organise l'exploration focalisée de
l'environnement contextuel, la localisation et l'appréciation des
formes et des mouvements par la confrontation discriminatoire entre
les données de l'expérience et les traces mnésiques. Cette
exploration découvre, de distinction en distinction plus précise,
les invariants spécifiques, les relations d'analogies, de
similarité, de distinction et de contiguïté (c'est-à-dire des
différentes combinaisons iconales pouvant exprimer une séquence
signifiante), quantifier et qualifier les relations entre les
différents niveaux, conjuguer les antécédents, établir des
corrélations, etc. Et ce, suivant le principe de vérification
continue de tout résultat par rétroaction ou feed-back. Le
processus d'identification se bloque en cas de discordance et évolue
vers sa conclusion en cas de parfait accord.
Le
processus de cognition, basé sur la relation : percepts ⇒
concepts/conception ⇒ communication, nous l'exprimerons par
l'organigramme suivant. (Figure
212). Les perceptions, intégration neuronale des informations
et leur enregistrement selon leurs différences, leurs niveaux de
valeur et leurs rapports, fondent l'analyse perceptive cognitive en
fonction des paramètres biotypiques et de l'acquis culturel. La
reconnaissance identificatoire (la compréhension intellective)
cristallise les percepts en concepts, analyse les relations causales,
les associations iconales, tous les signifiants, évaluant les
connaissances significatives, également en fonction des paramètres
biotypiques caractériels et de capacité intellective, ainsi que des
référents culturels acquis. Les pensées expriment le déroulement
du processus conceptuel.
La
communication, elle, cristallise la reconnaissance, les concepts, en
une claire formulation phonique, graphique ou gestuelle, illustrant
la compréhension, en fonction tout particulièrement des paramètres
ethno-culturels. La rapidité réflexive témoigne de la rapidité
des processus, due principalement à l'habituation de l'intellect à
faire face à toutes les données.
Dès
la première prise d'air et, quelques semaines plus tard, d'accès à
la lumière par la vue qui coordonnera désormais tous les percepts
inter-sensoriels, l'intelligence cognitive commence à s'exercer par
l'apport massif d'informations. D'abord par l'intégration
progressive des influx bio-sphériques écologiques sous forme de
percepts reçus par les canaux sensoriels spécifiques. Puis, plus
tard, l'intelligence commence à se réfléchir par les diverses
voies de communication comportementale, dont l'expression du langage,
les percepts se muant en concepts iconales, organisant ainsi la
compréhension active des situations par expérimentation active et
l'exprimant par une logique opérationnelle, effet de l'adaptation
sensorimotrice intentionnelle aux différentes situations. Ainsi
s'oriente constamment la conscience culturelle par rapport à
l'expérience.
Le
pouvoir d'investissement de la décharge actionnelle peut être
différé. Ce differt, suspension provisoire de l'action, est une
caractéristique spécifique du biotype humain.
Ce
sont les procédures d'interprétation du réel. La raison est la
pratique de l'intelligence estimative. Elle est la réflexion
cognitive portée par les états émotionnels de base. En effet, la
conscience réflexive réagit selon la logique de son champ
perspectif et obéit aux dictats de la subconscience génétique qui
dirige l'intérêt qui se manifeste sous forme de tension
impulsionnelle, émotionnelle. Ce niveau de conscience, nourrissant
les relativités, est souvent déformant comme un miroir. Il
s'assoupit et se paralyse durant le sommeil. Nous ne sommes plus
alors conscients des connexions établies entre les différentes
relations iconales.
Chaque
individu possède une structure de raisonnement propre, sa propre
méthode d'analyse, de traitement des données qui lui parviennent,
qui lui permettent de distinguer le réel de l'illusoire, le
permanent et le transitoire. Le raisonnement est soit inductif et
progresse logiquement en remontant de l'effet à la cause, du
particulier au général, de l'implicite à l'explicite ; soit
déductif et progresse logiquement d'une prémisse valide jusqu'à sa
conclusion, du général vers le cas particulier qu'il vérifie ;
soit enfin distinctif, de décomposition analytique, dépouillement
qui limite la portée de l'intelligence et accapare les sens sans
résoudre les problèmes.
Ci-après
la représentation du raisonnement par un graphe de pertinence, base
opérationnelle simple, modèle de prospective systématique et de
prévision conditionnelle. (Figure 213)
Le raisonnement est une habileté mentale d'analyse servie par l'accumulation mémorielle (l'érudition) et soutenue par une orientation directive majeure. L'apprentissage culturel et l'exercice des capacités logiques (validant les données ou critiquant les insuffisances) fondent la cohérence du raisonnement. Le discernement intellectif s'acquiert, s'éduque par l'expérience directe des problèmes.
La
connaissance rationnelle de la réalité repose sur la conscience des
relations anthropo-cosmiques, souvent entachées d'erreur. Et la
valeur de la rationalité réside dans sa capacité de redressement
constant des voies de l'erreur vers la voie de la vérité Et C'est
en dépassant les coutumes établies de raisonnement que l'on
parvient à se dégager des ornières. Sinon l'intellection, confinée
dans les habituations intellectives, se trouvera réduite, défigurée,
stérilisée.
On
ne comprend que ce que l'on est préparé à comprendre. Toute
rationalité est appréciations contrastantes momentanées,
évaluations comparatives, fondées suivant des situations affectives
toujours différentes. La chaleur, le froid n'existent pratiquement
que pour celui qui les sent, au seul instant où il les ressent. Pour
un point, la continuité d'une ligne est incompréhensible. Il n'y
voit que les points consécutifs et la distance qui les sépare. Son
horizon est limité jusqu'à la portée de son regard.
La
ligne unidimensionnelle ne peut saisir la continuité d'une surface.
Elle ne comprend que le rapport linéaire des points consécutifs. Le
regard bidimensionnel ne peut saisir la relation spatiale entre
différentes surfaces. Il n'observe que le mouvement d'une surface
sans dimensions. Le regard tridimensionnel saisit la relation
spatiale simultanée entre différentes surfaces. Le regard
quadri-dimensionnel, plus profond, perçoit la coordination unitive
de plusieurs systèmes de relations et de rapports organiques et les
intègre. Pour un aveugle-né, le soleil, la lune, les étoiles, les
couleurs « n'existent » pas.
Toute
exclusive dans l'interprétation risque de dénaturer la
compréhension des faits. Car toute vérité rationnelle est
occasionnelle. Certes concrète, mais transitoire. D'où les
multiples vérités et les aberrations intellectuelles et
idéologiques qui prennent leur source dans une vision de la réalité
déformée par les désirs individuels ou les fantasmes collectifs
qui sédimentent les consciences dans les fanatismes. L'observation
expérimentale, l'épreuve scientifique, peuvent, seules, valider
rationnellement les thèses ou hypothèses et confirmer une
intelligence particulière du réel.
Ainsi,
d'étape en étape, l'horizon de la connaissance s'élargit. A chaque
degré, à chaque avancée de la connaissance, le degré précédent
apparaît, relativement, comme une in-connaissance. C'est pourquoi,
il est honnête de s'abstenir de porter des jugements critiques
hâtifs (ou définitifs) sur une thèse non-encore validée, sur ce
qu'on ne peut comprendre, sur tout ce qui est hors de portée
intellective rationnelle, reconnaissant ainsi ses propres limites -
qui restent toujours à dépasser.
Il
n'y a donc que la réalité immuable, inaltérable dans le fondement
de ses lois, et des cherchants sur la voie de connaissance, des
connaissants qui expriment leur expérience vécue de compréhension
par des formules toujours renouvelées, et enfin la grande masse des
méconnaissants partagés sur le sort de leurs errances. L'erreur
étant, justement, provoquée par cette errance, cette insuffisance
cognitive portée par un regard inexpérimenté...
Rappelons
enfin le sens de l'aléatoire. Ce que nous disons aléatoire, c'est
la réunion de plusieurs nécessités causales apparemment
indépendantes, c'est-à-dire dont les liens ne sont pas établis
(c'est le hasard qui y préside), c'est la rencontre de séries
causales apparemment indépendantes, de relations imprévues et
imprévisibles. Le nécessaire, c'est la réunion inévitable,
logique et cohérente de certaines nécessités causales
interdépendantes reconnues comme telles.
La
pensée est la conclusion du raisonnement, la puissance rationnelle
synthétisante, unitive, l'intelligence qui établit tous les
rapports d'une relation problématique et qui en rend compte par une
formulation claire. Elle institue la signification permanente d'un
événement singulier. De ce fait, elle est la cause motrice, la
matrice qui élabore toute action et distribue les énergies
nécessaires aux organes de réalisation. Toute action constructive
résulte de son pouvoir de réalisation.
Toute
pensée formulée est quasiment un existant complet et transmissible.
Comme par exemple un logarithme. Il a une certaine forme d'existence
mais qui, cependant, ne possède pas un pouvoir d'évolution
autonome, indépendant de celui qui le forme ou le transmet...
Rappelons
que la pensée n'est liée au cerveau qu'en tant que celui-ci est
l'outil de son expression. Autrement dit, l'homme pense avec son
cerveau. Le cerveau ne saurait penser seul. Il n'a que des états
physiologiques liés aux structures neuronales de connexions
synaptiques. Une blessure au cerveau affecte la mémoire consciente,
la perception consciente et les paralyse, suspendant l'activité des
centres cervicaux. Elle détruit un passage, une voie d'expression de
la pensée et non la conscience elle-même. La pensée, étant
essentiellement formée de la synthèse de relations iconales, est en
conséquence et avant tout un état émotionnel. Le rationnel, c'est
bien la conscience que nous avons de la logique et de la cohérence
de nos analyses et des relations que nous avons établies, parce que
portées par notre intérêt, i-e nos états émotifs. « La
forêt, disait Bachelard, est un état d'âme ».
La
conceptualisation ou formation de concepts est la systématisation
d'une relation sous la forme de symboles abstraits généraux qui
schématisent les connaissances acquises sur une réalité donnée.
Ses procédés soutiennent la pensée logique avec ses facultés
d'analyse, de choix et de valorisation des concepts, ce qui aboutit
au travail inventif, créatif, de découverte.
L'axiome
est point de départ pour une déduction logique. L'axiomatique suit
le déroulement suivant en triangle:
Les
réalités expérimentales > Induction > Reconnaissance
des propriétés >
Déduction
> Axiomatisation > Validation >
Application
(Figure
214). Nous y reviendrons.
ET
D'ORIENTATION INTELLECTIVE
L'attention
est la perception objectale distanciatoire focalisée portée par un
intérêt particulier qui l'oriente. Le champ de conscience se
rétrécit ou s'élargit suivant la portée de l'attention. La
fascination est le pouvoir affectif qu'exerce un objet extérieur sur
les structures cognitives. Et c'est particulièrement la fascination
qui oblige le sujet à soutenir toute son attention au foyer de sa
conscience. L'attention est, exactement, la réponse à une
fascination. Elle est soit involontaire, soit volontaire.
Le
mono-idéisme (l'idée fixe) est le rétrécissement in-volontaire,
spontané, du champ de conscience. Porté par des impulsions
subconscientes, il exprime une obsession fixée au foyer de la
conscience. Tandis que la fuite des idées exprime un élargissement,
également involontaire, du champ de conscience vers des horizons non
maîtrisables.
L'attention
volontaire, intentionnelle, est la concentration vigile activement
dirigée qui rétrécit, consciemment, volontairement, le champ de
conscience et fixe en son foyer une représentation iconale précise,
à des fins spécifiques. Elle marque le pouvoir de la maîtrise
intellective. Comme effets de l'attention, citons d'une part, la
netteté de la représentation qui offre alors une intensité
maximale, puis d'autre part, la diminution des temps de réactions
réflexes, et enfin l'orientation et l'organisation finalisée des
facultés cognitives rationnelles.
Autrement
dit encore, l'attention est un état de concentration éprouvé après
une dispersion mentale. C'est la conscience d'avoir conscience. Elle
est passive, mécanique (on regarde un film qui nous fascine);
spontanée, provoquée par des facteurs externes comme la rareté
d'un objet ou d'un évènement, la soudaineté de son apparition, ou
de facteurs internes, fonction du tempérament, de la, culture, de
l'état affectif, des engagements, des sources d'intérêt, etc. Elle
est enfin, volontaire, contrainte, gouvernée, polarisée par
l'intérêt conscient et dépend des conditions psychosomatiques, de
l'intensité de l'impression en fonction de l'intérêt que cette
impression représente...
L'intention
est le désir concentré et dirigé, exprimé en vue de la
réalisation d'un objectif précis. Le désir est soit involontaire
et exprimé physiologiquement par une action réflexe, soit
volontaire, et exprimé lucidement, en toute conscience de soi. C'est
la volition.
L'intention
résulte donc des processus de raisonnement et du jugement final
concluant. Elle se traduit par une décision d'action endogène ou
exogène déterminée, un commandement (un ordre formel) transmis aux
organes spécifiques pour exécution, avec les délais prévus. La
volition, cas de l'intention lucidement réfléchie, peut contrôler
ou plutôt orienter la force dynamique des appétits, les fortes
pulsions de la subconscience génétique qui la sollicitent, et les
désirs, autant à l'intérieur qu'à l'extérieur du corps.
Cependant les faiblesses, maladies, douleurs, et toute perversion de
l'harmonie psychosomatique, paralysant le système nerveux, entravent
la clairvoyance intellective rationnelle et par conséquent la
conscience intentionnelle volontaire.
La
volonté (ou le pouvoir de volition) des indécis se désagrège,
déficiente. Les instables, les inconstants, ne connaissent que des
caprices à satisfaire, des impulsions involontaires de valeur
ponctuelle. Tandis que les obstinés poursuivent, avec un entêtement
résolu, la réalisation de leur projet jusqu'à l'accomplissement de
leur ferme intention soutenue par les effets complémentaires des
tensions affectives et intellectives. Les extrêmes de la conscience
intentionnelle rationnelle se nourrissent de malentendus, de
fanatismes, de frénésie, d'excès, d'énergies déflagrantes. Les
heurts entre les volontés rationnelles opposées ont fait tout le
mal-être qui sème les désastres à longueur de guerres...
Comme
toute fonction, plus on exerce la conscience intentionnelle
volontaire, par la pratique et l'art de concentrer son pouvoir dirigé
par le cerveau en un seul point, en un moment donné, dans une
direction donnée, plus elle se développe et fortifie sa puissance.
Le désir projeté est efficace à la condition d'en visualiser tous
les détails sur lequel il porte. S'il est accepté par les
consciences comme une nécessité constructive, il est retenu. Sinon,
il est rejeté.
Ou
la créativité, le déploiement de l'art, de l'acte intelligent qui
n'est que le réassortiment de jonctions transformationnelles, dans
le but de résoudre un problème posé par les conditions
d'existence. L'illumination est un éclair de connaissance, résultat
non d'un raisonnement pur, mais d'une connexion iconale neuronale
inédite, qui explique brutalement une relation auparavant ignorée.
L'invention
des solutions induit nécessairement la conception du but à
atteindre et l'adaptation clairvoyante des moyens à cette fin, ainsi
que la conception des rapports entre la structure de l'outil et celle
des organes dont il est le prolongement. Elle induit l'utilisation de
l'outil adéquat et l'organisation de la conduite nécessaire à
l'aboutissement du geste. Introduire le pur hasard dans un tel
cheminement serait absurde. Cependant certaines relations aléatoires,
imprévues, orientent souvent les choix.
Ainsi
technique et science ont-elles partie liée, quoique souvent
déphasées chronologiquement. En effet, le passage de l'implicite à
l'explicite, de la tendance utilitaire, de la fin intéressée,
concrète, à la prise de conscience des moyens, la réflexion sur la
technique et à la fin abstraite, s'opère graduellement. Atteindre
la raison des choses, déterminer les rapports constants - les lois -
entre les phénomènes, dégager la causalité et le déterminisme,
n'apparaissent qu'après l'usage d'un outil. Cependant la science,
talonnant la technique, en assume - par feed-back - l'efficacité et
la puissance de son action.
Le
sommeil, état différent de la vigilance, à logique interne
spécifique, est caractérisé par la perte de conscience rationnelle
et la chute du tonus musculaire. Il est interrompu par des activités
oniriques, déroulement d'images mises en scène à perte de vue,
supprimant toute censure, libérant le cerveau de tout blocage
socio-culturel, et ouvrant le rêveur à univers sans frontières, à
la découverte des dimensions inconnues de la réalité.
Cette
activité onirique est indispensable à la régulation
psycho-somatique. Si l'on en est privé, l'épuisement qui en résulte
s'exprime par une forte irritabilité, une anxiété, la perte
d'appétit, l'augmentation de poids et en définitive par le claquage
de l'organisme, la mort. Le tracé encéphalographique durant les
périodes oniriques révèle une forte activité électrique
cérébrale ainsi qu'une activité cardiaque et respiratoire intense,
identiques à celle de l'état de veille active, mais accompagnée
cependant de la disparition totale du tonus musculaire.
L'aptitude
à l'apprentissage, déterminée génétiquement, est la capacité à
établir des connexions iconales et des notations discriminatoires.
Et l'élargissement de cette capacité imageante mesure le degré
d'intelligence cognitive et la précision de l'adaptation au monde.
Les
capacités d'apprentissage et de mémorisation, les compétences
intellectives et les certitudes d'identification performantes
augmentent avec l'âge. Et il n'y a pas de seuil critique, de limites
à l'intelligence du monde. Les limites de la compréhension reculent
sans cesse. Le ciel sans cesse s'élargit.
L'apprentissage
culturel, nous le définissons comme étant la découverte
progressive de la spatialité de son corps et de la corporalité de
son expérience individuelle de vie, de la découverte de son rapport
de nécessité à soi-même et au monde, de la découverte de la
finitude dans l'inachevé et de l'infinitude dans la plénitude, et
enfin de son désir et de son pouvoir de liberté et de
responsabilité constructionnelle. Autrement dit, de son origine, de
sa finalité et de sa route. Ce qui veut dire que la connaissance ne
peut être exposée parfaitement. La connaissance se pratique. On s'y
exerce individuellement. Pour savoir qui on est, ce qu'on est, ce
qu'on veut, pourquoi, et comment y parvenir.
Ainsi
l'apprentissage culturel, par ce pouvoir imageant acquis, de
visualisation et de mises en correspondance, se trouve-t-il
déterminant dans la structuration comportementale de l'individu, ses
initiatives de conduite. La réalité n'est pas une formule abstraite
ou une contrainte impersonnelle. Elle est une donnée concrète. Et
elle oblige, par devoir de lucidité selon les infinies nuances du
discernement, à l'approcher dans la totalité de ses aspects.
D'abord pour la satisfaction intellective, ensuite afin d'atteindre
un plus haut niveau de conscience, conduisant à la maîtrise des
données et à leur orientation. Mieux nous comprenons, mieux nous
agissons sur la réalité. L'ignorance, aujourd'hui, est inexcusable.
Un
mot dit-il tout un livre ?
La
conscience intellective, la pensée discursive s'empêtre dans le
théorique, les fixations, les préjugés, le spéculatif,
l'approximatif, les dissections analytiques, les rationalisations qui
enchaînent à l'arbitraire des codes. Elle est dissolvante. Elle ne
cerne que des aspects partiels de la réalité et s'entortille dans
les entraves, les ornières, les tourments de l'impuissance
expressive, l'étroitesse des attachements vains et déçus, qui vous
roulent dans les remous, enflés d'illusions, dupes des apparences,
dans la stagnation des conflits irrésolus.
L'identité
essentielle de la réalité échappe à toute catégorie
conceptuelle, à toute réflexion. Concevoir rationnellement c'est
ramener à sa portée, à son futile niveau, l'indifférencié,
l'indivisible, l'ineffable réalité universelle, in-codifiable,
in-définissable, ir-représentable, in-communicable, in-formulable
par nos faibles mots. La réalité expérimentale est au-delà des
mots. Il est impossible de saisir, de cerner l'entière réalité du
vécu dans un réseau de mots et de concepts. La réalité
expérimentale est totalement insaisissable par les voies
conventionnelles du raisonnement. Elle est hors de portée
intellective. Elle est inclassable, incontrôlable. Par exemple
analogique, l'expérience de l'amour est strictement irrationnelle,
hors rationalité intellective.
Penser
la réalité, la formuler, c'est la limiter selon nos ancrages. Tout
ce qui peut être appréhendé par l'intellect est relatif. La
faculté cognitive rationalisante traduit les données sensorielles
ou instrumentales en réflexion catégorielle discursive.
L'intellect
est un outil de travail idéal pour la reconnaissance des relations
entre les fréquences basses et moyennes de notre ambiance et pour
les travaux techniques matériels. Mais il est trop « lourd »,
inadapté, pour analyser les fréquences supraluminales, de
« l'im-matière ». La surconscience est l'outil
spécialisé pour reconnaître les relations entre les fréquences
supra-luminales. Mais il faut pour la laisser survenir fermer les
écoutilles... A chaque besogne, un outil adéquat. Tout est moyen
pour une fin. Pour l'organisation scientifique, une faculté
d'analyse, de raisonnement, une rationalité contraignante et
limitatrice, qui ne traduit cependant que notre conscience
appréciative personnelle du monde ambiant. Et pour le travail
délicat, en profondeur, il nous faut un outil délicat, subtil, la
surconscience α.
Aucun
des deux outils n'est, bien sûr, à exclure. Puisque nous les
possédons, autant les utiliser tous les deux et travailler à les
développer. Mais l'on doit savoir que l'on doit renoncer à chercher
l'absolu de la réalité expérimentale intrinsèque par les seules
facultés intellectives, impuissantes à la formuler.
L'on
doit vivre la connaissance, pénétrer le sens intégral de la
réalité, non seulement en démonter ou en démontrer les aspects.
Distinguer, identifier, différencier, évoquer, nommer, quantifier,
qualifier, toute désignation séparatrice, toute discrimination
comparative est insuffisante. On balbutie ce que la réalité
pourrait être. Toute affirmation directe, toute opinion additionnée
d'arguments, toute périphrase, tout qualifiant, risque d'être
déformation qui emmure notre saisie intuitionnelle dans
l'incompréhension et les malentendus.
La
dualité logique est une propriété de la conscience intellective.
La structure dualiste nous entraîne sur le cercle des impasses
paralysantes. S'orienter vers la gauche, ignorant la droite, monter,
oubliant le bas ? Le conflit surgit quand nous ne pouvons nous
résoudre à cette stagnation. Il nous faut donc connaître
autrement. Et par delà les dualités, le juste et le faux, la gauche
et la droite, par delà toute relativité, vers l'essentiel, au
centre du cercle, à la verticale. Ce sera l'objet de notre prochain
cahier.
© Claude Khal 2013
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